En l’absence de
chalands, deux gentils voisins
Baillaient aux corneilles devant
leur magasin.
L’épicier dit alors au marchand de
journaux :
- Hello, mon compère, qu’y a-t-il de
nouveau
Dans la presse que tu vends
aujourd’hui ?
- Hélas, ne m’en parle pas mon
pauvre ami,
C’est une vraie révolution de
l’autre côté
De notre chère Méditerranée.
- Eh bien, dit l’épicier, il était
temps sans doute
Que ces gens en colère prennent en
main leur route
Est-il bien raisonnable que des
présidents
Restent au pouvoir si longtemps ?
- Moi, je crois que ces énergumènes
Nous racontent des calembredaines,
Qu’ils ne sont pas si malheureux,
Mais seulement très paresseux. Et il
faut bien
Que l’ordre règne en ces pays. Il
n’y a rien
De plus inquiétant que des gens qui
font croire
Qu’ils n’ont rien à manger ni même à
boire.
Heureusement que les militaires sont
là
Pour les calmer un peu et pour les
mettre au pas.
A ces mots, l’épicier se montra très
choqué :
Quelle mauvaise foi, quelle
méchanceté !
- Eh bien, mon cher voisin, sous ton
air débonnaire,
Tu es en fait un tantinet
réactionnaire.
Il est pourtant bien naturel
Que des personnes opprimées
Prennent le droit de s’exprimer,
Qu’elles n’attendent pas que le ciel
Le leur apporte gentiment,
Et se révoltent incontinent.
Le marchand de journaux sur le champ
renchérit :
- La violence, mon cher, n’est
qu’une vilenie
Elle engendre toujours la violence à
son tour
Et il faut la proscrire maintenant
et toujours
Et ce, par tous les temps, en toute
circonstance.
- Il me semble pourtant que dans
cette occurrence,
Ils n’avaient pas vraiment une autre
solution
Que de la provoquer cette
révolution.
Le marchand de journaux ne s’avoua
pas vaincu,
Et, se croyant malin, demanda
impromptu :
- A quoi sert de chasser leur ancien
président ?
Vont-ils pouvoir manger et boire
maintenant ?
L’épicier répondit alors sans détour
- La révolution consiste à faire un
grand tour
Qui nous fait repartir à zéro,
inventer
De nouvelles idées, et réfléchir
enfin.
N’est-ce pas un but louable, une
belle fin ?
- Tu es bien naïf, et je crois pour
terminer
Qu’ils n’ont pas fini de tourner.
Moralité :
La révolution, c’est comme une danse
Qui fait tourner les gens, les
esprits … et les langues
Catherine Bonaïti
Atelier d’écriture « Poursuivre »
2010/2011
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