Le petit renne

 

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 Ce jour-là, il faisait un soleil éclatant et il avait neigé la veille. J’adore me promener dans la neige fraîche et la sentir crisser sous mes pas. J’étais donc d’humeur joyeuse, prête à parler au premier lapin venu, qu’il fût blanc ou non, et à discuter avec les oiseaux sur le vert des sapins ou le bleu du ciel, lorsque je tombai nez à nez avec un charmant petit animal que je n’avais jamais encore rencontré dans ce bois. Il ne semblait pas du tout effrayé et se dirigeait vers moi. On aurait dit qu’il voulait me parler. Ne connaissant pas sa langue maternelle, je m’exprimai dans la mienne et lui demandai du ton le plus doux :
- Es-tu perdu mon petit ?
Sans hésiter, il me répondit :
- Non, mais je suis un peu triste.
Je m’étonnai à peine qu’il s’exprimât en Français avec tant d’aisance, car il semblait encore bien petit.
- Pourquoi es-tu triste petit faon ?
- Je ne suis pas un faon, je suis un renne et je suis triste car je ne pourrai pas tirer le chariot du père Noël comme je l’espérais.
- Et pourquoi donc ne pourras-tu pas tirer ce chariot, dis-moi?
- Le père Noël m'a dit que je devais encore grandir et qu'il me faudrait attendre l'année prochaine pour avoir l'honneur de tirer le chariot. Il faut vous dire, Madame, qu'il est rempli de milliers de jouets pour les enfants et que c'est un travail harassant que les rennes du Père Noël ont à accomplir la nuit de Noël. Mon grand frère fera partie de l'attelage. C'est très heureux pour lui, mais pour moi c'est une déception.
A ce moment, je perçus dans sa voix autre chose que de la tristesse, comme un peu de rancoeur.
- Tout de même, me dit-il, mon copain Arsène qui est à peine plus grand que moi a été engagé: je soupçonne un peu de favoritisme.
Là, il se tut un moment, manifestement en proie à de profondes réflexions. Je relançai alors la conversation.
- Quel est ton nom, petit renne?
- Je m'appelle Aglaë, me répondit-il.
- Ah! Tu es une fille alors. Crois-tu que c'est pour cela que le Père Noël ne t'a pas choisie pour tirer son chariot?
- J'en ai bien peur, Madame.
Je ne sais pas ce qui me passa par la tête lorsque je lui demandai:
- Crois-tu, petite Aglaë, que je pourrais aller voir le Père Noël et le persuader que tu es bien assez grande, et maligne aussi, pour te charger de cette noble mission?
- Oh, ce serait bien, me dit Aglaë, mais je n'ai pas le droit de vous conduire à lui. Quoiqu'il en soit, c'est très gentil à vous de me l'avoir proposé. Vous êtes tout-à-fait aimable, Madame.
Alors, Aglaë et moi nous sommes dit au revoir et je repartis vers un monde plus réel, en constatant amèrement que, même dans les contes, les femmes devaient se battre pour gagner leur place.

Le petit renne
Catherine Bonaïti
20 décembre 2012



 

Sophie Martin

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